Les Contes de Sarajevo
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Une ville détruite, des habitants perdus et d'étranges individus que l'on jugerait sortis tout droit de contes de fées... Mais que se passe-t-il donc ?
 
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 Desya

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Desya

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MessageSujet: Desya   Desya EmptyMer 11 Fév - 13:24

[Chronique d’une mort annoncée]

Le rideau rouge s’est levé le 1er avril 1976, et pourtant, c’est loin d’être une farce. Enfin peut-être une farce tragique. Mère Nature, en ce jour de printemps, a fait souffler une légère brise sur les vitres de l’hôpital, et les rayons de l’astre lumineux se glissaient à travers les vieux rideaux accrochés aux fenêtres abîmées. Une nouvelle naissance, un nouveau gosse, qui s’ajoutera aux six frères et sœurs. La mère soupira, encore un môme à qui donner le sein, qu’il faudra nourrir avant qu’il puisse lui-même assurer ses vivres. Son mari, de cinq ans de plus d’elle, arriva d’un pas rapide, et embrassa sa compagne pour ensuite poser les yeux sur le nourrisson. Un petit clin d’œil avant de se plonger dans son premier sommeil, la prénommée Desya venait de dévoiler ses yeux émeraudes aux privilégiés qu’étaient ses parents. La vieille sage femme, qui avait aussi assister à la naissance de toute la fratrie, saisit le petit enfant, qui interrompu dans son premier rêve, gémit. Une voix grave venant de la pièce voisine se fit entendre, et annonça d’un air doux, avec un souffle de mélancolie :

« 53 cm pour 2 kg 850. Félicitation Madame, comment s’appellera cette jolie demoiselle ? »

Le texte, le médecin le connaissait par cœur, mais ce jour ci, le ton n’y était pas. Ce n’était pas de sa faute, sa femme s’est suicidée une semaine auparavant. La belle demoiselle en question fut encore une fois transplantée de mains en mains telle une marchandise. Toute cette agitation empêchait ses petits membres de se ressourcer, et son esprit de s’évader. L’arrivée imminente de la famille n’allait pas arranger les choses : après quelques brèves minutes, la porte de la chambre laissa passer un petit courant d’air froid, une bonne dizaine de personnes firent irruption dans la petite pièce, et ne tardèrent à entourer le lit. Tandis que les tantes et oncles prenaient tour à tour la gamine dans leur bras, les enfants n’avaient rien trouvé de mieux que de jouer au chat dans la petite chambre. La jalousie de la fratrie se faisait entendre, le verre sur la table de chevet fut même fracassé pour qu’on s’intéresse un minimum à eux. Desya ne demandait pas mieux, les « Comme elle est mignonne » « Elle a les mêmes cheveux que son père » criées pour s’imposer face au tintamarre des enfants, l’empêchait encore de s’échapper vers le pays des rêves. Cette situation l’exaspérait, et la fatigue ne faisait qu’amplifier ce sentiment. Elle aurait même préféré voler dans les airs, emmitouflée dans son panier, guidée par une gracieuse cigogne. C’est alors que s’échappa un cris étonnant par son intensité, de ses lèvres. Ahuri, tout le monde se tut, et l’enfant s’endormit enfin dans les bras de sa mère.




Dans une petite maison en plein cœur de Sarajevo, résidait une famille paisiblement, qui, certes ne roulait pas sur l’or, mais dont la joie de vivre emplissait chaque jour cette humble demeure. L’aurore se levait à peine, que le père, déambulait à travers la ville pour rejoindre son travail, à quelques pas d’ici. Pendant ce temps, les enfants se réveillaient, et les cinq premiers s’en allèrent sur le chemin bordé d’arbres dont leurs feuilles virevoltaient dans l’allée, vers le chemin de l’école. Et la petite dernière, c’était Desya, qui n’avait pas encore l’âge d’étudier. Elle suivait sa mère dans les moindres recoins, et la regardait faire les diverses tâches ménagères, comme avide de connaissance. Du haut de ses 4 ans et demi, elle répéta encore cette question :


« C’est quoi un rêve ? Dis maman, c’est quoi ? »

Sa petite tête relevée de ses cheveux brins en bataille fixait sa mère, et un sourire de ses fines lèvres se dessina. D’ailleurs, tous ses traits étaient relativement fins : la courbure élégante de son visage, ses membres délicats… Elle avait grandie pendant ces trois ans, sa taille avait bien doublé, elle avait grossi aussi, mais restait toujours plus mince que la moyenne des enfants de son âge. Seule, la couleur émeraude de ses yeux n’avait pas changé. Ses lèvres roses esquissaient désormais un sourire candide à chaque fois qu’elle parlait à sa mère. C’était une fillette plutôt sage, pas très bruyante, qui obéissait relativement bien aux ordres donnés par ses parents.

« C’est quelque chose qui se passe quand tu dors »

C’était plus ou moins la même réponse que lui sortait sa mère d’un air blasé. Son dos lui faisait mal, et elle n’aimait pas être dérangée pendant qu’elle faisait les lits.

« Pourquoi j’en fais pas moi ? »
« C’est parce que tu es trop jeune »


Les enfants ne rêvent plus ? Ils n’ont plus le droit ? La mère n’était nullement convaincue parce qu’elle venait de dire, mais elle avait déjà tout essayé : « Tu ne dors pas assez » La petite était alors partie se recoucher immédiatement, se plaignant de n’avoir toujours pas rêvé, et lorsque la femme qui devait avoir une bonne quarantaine d’années lui dit « Tu n’es pas assez sage, voilà tout ! », l’enfant contestait de moins faire de bêtises que ses frères. Et c‘était vrai. Tous les jours, c’était la même routine, elle cherchait en vain d’expliquer l’absence de rêves chez son jeune enfant. Pourtant, elle lui racontait des histoires avant qu’elle s’endorme, mais cela ne lui faisait rien. Elle ne se souvenait jamais de ses évasions, lorsque la lune contrôle les rues désertes de la ville. Desya, vexée, retourna alors dans sa chambre d’un pas là, condamnée à rester dans ce monde jusqu’à la fin de sa vie.





Condamnée était-il le mot adéquat ? Visiblement non, pour le moment en tout cas. Desya était une petite fille des plus normales, à l’exception qu’elle ne rêvait pas ; elle était maintenant à l’école, une vieille bâtisse en plein centre de la ville. Elle apprit dans un premier temps à lire, puis écrire, et compter. Desya était plutôt doué pour son âge, mais cela restait relatif. Elle avait souvent le sourire aux lèvres, aimait s’amuser avec ses amis,… Cette quiétude ne pouvait pas durer éternellement, il faut toujours que Monsieur « jevaismettredupiquantdanscettevie » et Madame « le bonheurparfaisn’existepas » s’occupe d’autre chose que de leurs petites poires. Leur collaboration humidifièrent les joues du petit enfant. La grand-mère de ce dernier mourut d’une grippe pendant l’hiver de ses 8 ans. Cette première vision de la mort, tous ces vêtements noirs sur les épaules de ses proches lui laissèrent un goût amer dans la bouche. Evidemment, un malheur n’arrive jamais seul ; seulement quelques mois après, voilà le grand père que la faucheuse emporte au loin. Desya, ce jour-ci vêtue de la même tenue, se tenait droit, ses cheveux bruns mi long cette fois disposés d’une manière symétrique sur son crâne. Elle s’était défaite de cet air décontracté qu’elle avait habituellement. Le cercueil s’approchait lentement de la tombe, pour ensuite y faire une dernière descente. Les pétales de roses lancées des mains tremblantes se déposèrent tendrement sur la tombe, en guise de dernier au revoir. Desya commençait à grandir, les mystères de la vie s’effaçait peu à peu de son esprit qui restait tout de même naïf. Alors que le silence consacré à la prière régna, elle questionna son père :


« Dis, est ce que toi aussi, tu vas mourir ? »

Cette fois, le petit regard candide n’eut pas le temps d’atteindre le champ de vision de son paternel, qui se contenta de lui jeter un regard noir accompagné d’une charmante claque. Il ne fallait pas lui en vouloir, il était un peu à bout de nerf, de perdre ses deux parents en un intervalle de temps si réduit. La gamine se mit à pleurer, c’était la première fois que son père réagissait avec tant de violence. Le silence de mort s’accompagna alors de larmes, et de respirations coupés rendant cette atmosphère encore plus effrayante, plus pesante. Le trajet du retour ne fut pas le même que le premier : les enfants ne sortirent pas un mot, il n’osait même pas se taquiner, ni de passer le temps pendant le long voyage en train qui avait pour destination Sarajevo.




La vie continuait tranquillement, la routine avait bien sa place dans la grande famille. Désormais, tous les enfants étaient au collège, à l’exception des deux aînées qui travaillaient. Du haut de ses douze ans, la jeune fille fit un dernier au revoir à son grand frère qui partait habiter dans un petit immeuble avec sa compagne. Le mariage était plutôt réussi, bien que les moyens restaient faibles. Cependant, le salaire du deuxième garçon se faisait ressentir à l’intérieur de la maison. Désormais, les repas étaient plus garnis, et on pouvait s’offrir de la viande à intervalle de temps réduit. La jeune fille, quant à elle, était bien inutile à la maison : comme invisible, elle ne rapportait pas d’argent, et n’aidait pas beaucoup sa mère. Les tâches ménagères l’ennuyaient, et cette transparence lui convenait parfaitement. En cours, c’était pareil, Desya était très calme, et faisait le moins de chose possible pour se faire remarquer. Ca apportait des ennuis, rien que des ennuis. Certes, elle était un peu lâche, mais tout le monde n’a-t-il pas ses défauts ?




D’étranges bruits perturbèrent le doux sommeil pendant une nuit de 1992. Pourquoi la nuit était-elle raccourcie ? L’alouette se mit à hululer, symbole de séparation ? Visiblement oui. De nombreuses têtes sortaient des fenêtre pour admirer les obus qui virevoltaient de toute part. Ses oreilles discernèrent des cris parmi le tintamarre infernale des projectiles : « Ils ont bloqué la ville, elle est bloquée ! On ne peut plus sortir ! ». Des hurlements d’enfants, de parents, de grand parents sortirent de chaque appartement ; et la ville ressemblait de plus en plus à un barbecue d’humains. Horrifiée, la jeune fille n’osa même pas verser la moindre larme sur son visage, alors que ses parents, et sa fratrie avaient de chaudes larmes qui glissaient sur leurs joues. Son frère voulait la prendre dans ses bras, elle le dégagea avec violence, et courut dans sa chambre. Sa silhouette fine ne supportait plus de voir ce spectacle, et ses bras recouvrèrent le reste de son corps avec la couverture. Ce jour allait être le début d’une triste période dans la vie du pays tout au moins, elle le savait. En tout cas, les voix criardes de la veille n’avait pas eu tord, le courant était déjà coupé. L’atmosphère était encore plus froide après l’annonce du père : l’immeuble de l’aîné a été l’objet d’un relookage par un obus. La tristesse régnait dans chaque foyer, les pleurs, sanglots, remplaçaient les rires du mois dernier. Les jours passèrent, la cave avait remplacé les chambres, la bougie, les ampoules, les misérables légumes, le bon ragoût d’autrefois. Le temps passait si lentement, enfermé comme des rats, mais l’hiver avait déjà prit la place de l’été destructeur. Enfin, de l’été tout court. L’hiver serait aussi destructeur. Les réserves de nourriture étant à la limite du néant, la famille avait de plus en plus de mal à se réchauffer dans la cave, bien que deux autres familles les avaient rejoints. Pour tuer le temps, comme les obus tuaient les hommes, ils se racontaient diverses histoires, et leurs rêves. Dés que c’était le tour de Desya, un silence gênant plombait l’ambiance de la cave. Elle n’avait jamais rêvé, et ne rêverait visiblement jamais. Il y avait des jours relativement calme, et des jours où le sol tremblait sans arrêt, où les oreilles bourdonnaient tellement le bruit devenait insupportable. C’était pendant l’un de ces jours que la mère ordonna à Desya d’aller chercher un médicament pour son père, très mal en point. Malgré négociations, et disputes violentes, la jeune fille se résolut à y aller.



Les personnages se déchaînaient, l’action semblait à son comble, la journée finale, la fin de cette crise, de la vie pour la jeune femme. Que la tragédie commence ! Le vrai levé de rideau ! Le chef d’orchestre relâchait son poignet pour battre la pulsation, d’un geste ample il fait signe à un obus de tomber, et un autre, encore un autre ! Déambulant, courant, essoufflé, Desya se rendait d’un pas incertain, tremblant, vacillant, grelottant, flageolant, frémissant, vers la pharmacie, pour tenter de négocier un médicament. Après tout, pourquoi avoir peur ? La mort allait arriver ! Celle qui changeait en désert Babylone, le trône en échafaud, les roses en fumier ! Artifice d’artificier, qu’il est beau cet éclairage ! Voilà un autre obus qui éclate à quelques mètres de lui. Mais pourquoi avoir peur dans ce paysage désolant, apocalyptique ! Le paradis serait plus beau ! Tout tremble et recule, pourquoi ne se détacherait-il pas de ce troupeau ? Elle a toujours été différente, l’humaine qui ne rêvait pas. Vas-y, fonce dans la mort ! Pourquoi attendre ? Crève, c’est tout ce que tu veux ! La pharmacie…! La voila arrivé : un obus cuisant avait encore tout dévasté. Il ne restait que des briques, et pas le moindre espoir de trouver parmi ces décombres ne serait-ce qu’un semblant de médicament, d’un objet qui servirait à fuir la mort encore un peu plus. La jeune femme n’avait plus qu’à rentrer chez elle, et attendre qu’un obus la tue, pour mettre fin à cette attente.
Son esprit se déchaînait. Son désir de liberté s’agrandissait au fur et à mesure qu’elle restait enfermé dans cette cave. Elle voulait courir, voler, nager, tout, sauf retourner dans ce trou humide, où tous ces humains s’entassait jour après jour espérant voir un jour les feux d’artifices s’arrêter. Mais sa conscience, qui prenait en général le dessus de ses crises de folies, l’amena dans ce lieu fermé, qui maintenant était joliment coupé en deux. Au moins, l’appartement prenait la lumière ! Ces rayons du soleil, dignes des jours d’été, du bonheur, l’astre pourrait enfin dévoiler sa lumière à travers les fondations. Mais il n’y avait plus personne pour être éblouie par sa beauté. Les projecteurs s’étaient désormais métamorphosés en soleil noir de la mélancolie.

L’adolescente courut, prit ses jambes à son coup, pour chercher en vain une moindre trace de vie parmi les décombres, cette masse gargantuesque de matériaux écroulés à terre. Elle est tombée ! Elle est tombée ! Babylone la grande ! Devant ce spectacle de saccage, cette tour abolie, Desya ne put s’empêcher de verser larmes de désespoirs. Après tout, le destin voulait peut-être qu’elle vive ! Ou pas ! En tout cas, elle n’avait plus qu’à aller à l’orphelinat, qu’elle regardait quelques années auparavant d’un air anodin, assurée qu’elle n’irait pas. Belle erreur. L’humaine qui ne rêve jamais, avec son sac sur le dos, se dirigea d’un air désemparé vers la vieille bâtisse de pierre. « Petite fée, qui n’est jamais venue hanter mes nuits, vient me consoler »…
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MessageSujet: Re: Desya   Desya EmptyMer 11 Fév - 16:16

Mais tout est parfait ! Je vous adore tous, vous me faites des fiches sublimes.

Fiche validée~
^o^
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